QU'EST-CE QU'UNE FABLE ?
Tineqqisin n Jean de la Fontaine- Boualem Messouci
Dessins de Jean-Claude Bauer
- Copyright Editions Franco-Berbères
La fable est une petite comédie qui vise à égayer une leçon de morale.
Chacun connaît la fable: Le lion et le moucheron, mais on la rappelle pour mémoire:
Le Lion et le Moucheron
"Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre! "
C'est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L'autre lui déclara la guerre.
"Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un boeuf est plus puissant que toi :
Je le mène à ma fantaisie. "
A peine il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le Trompette et le Héros.
Dans l'abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du Lion, qu'il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son oeil étincelle ;
Il rugit ; on se cache, on tremble à l'environ ;
Et cette alarme universelle
Est l'ouvrage d'un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle :
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents.
L'insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée;
Il y rencontre aussi sa fin
Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.
JEAN DE LA FONTAINE
L'ENJEU EDUCATIF DE LA FABLE
Ce qui est problématique pour la fable (mais dont la fable réussie donne aussi la solution), c'est la conciliation du plaisir du récit et de l'instruction morale.
D'un côté, un récit simplement plaisant peut se voir accusé de frivolité.
D'un autre côté, une leçon de morale directement donnée se verra accusée d'austérité.
La Fable cherche donc à être plaisante sans être frivole, et morale sans être austère:
Dans le cas de la Fable Le lion et le moucheron:
- le plaisant est (pour faire court) le comique de la situation racontée: celui du "roi des animaux" rendu ridicule par le plus chétif des insectes; c'est aussi celui de ce même insecte, enivré par son triomphe et contaminé par le sentiment d'invincibilité du Lion qui finit par le conduire à sa perte. (On pourrait imaginer que cela continue à l'infini, l'araignée s'enorgueillissant de son succès sur le moucheron, mais...)
- la moralité, elle, est en apparence indiquée simplement à la fin du récit, en deux maximes qui nous "enseignent" (après que le récit nous aie diverti).
La fable a donc, en apparence, joué son rôle éducatif !
Cependant, les choses sont-elles si simples ?